La meuf qui lisait le chat botté
Je ne saurai pas te dire pourquoi le chat botté est mon conte préféré. Je ne pourrai pas non plus te dire grand-chose de Marie. Je n’ai pas bien suivi sa carrière d’actrice et je n’ai vu d’elle qu’un ou deux films.
Ce que je sais de Marie, c’est qu’un jour, elle avait lu le chat botté, qu’un magazine pour les gosses en avait fait une cassette, et qu’enfant, mon fils adorait l’écouter raconter l’histoire du marquis de Carabas.
C’est bizarre comme les artistes entrent parfois dans nos vies par des chemins détournés.
Et puis il y a eu ce jour, le premier week-end d’août il y a 21 ans, jour de chassé-croisé sur les routes de France, début d’une canicule qui allait marquer la France. Il était encore tôt, je venais de dépasser Valence en route pour la Bretagne, et dans le radio cassette (oui je suis un homme d’un autre siècle) Marie racontait l’histoire du Chat Botté à mon fils qui se réveillait à l’arrière.
Au moment où la cassette est arrivée en butée, la radio s’est allumée. Et j’ai appris la mort de Marie, tuée par les coups de son « compagnon » son « amoureux » « son amant », un « chanteur sombre et torturé ».
On a dit de lui qu’il avait du talent et que leur passion débordante était « la cause du drame ».
Il en a fallu du temps pour qu’on ose dire de lui qu’il était violent et qu’il était un assassin.
C’était un autre monde, une autre époque où on écoutait des contes sur des cassettes, où on ne culpabilisait pas à traverser le pays en voiture pour des vacances en famille, où les canicules semblaient des phénomènes climatiques exceptionnels et, où on se plaisait à associer l’adjectif « passionnel » au nom « crime ». Un monde dans lequel #MeToo n’existait pas et où les militantes de Noustoutes ne tenaient pas le dramatique décompte des féminicides.
Depuis, je n’ai plus jamais écouté la cassette du chat botté, et j’ai changé systématiquement de station radio quand un programmeur passait une chanson de l’autre abruti sombre et torturé.
Le Chat Botté est toujours mon conte préféré Et je ne sais toujours pas pourquoi.
Il y a 21 ans, Marie Trintignant était la victime d’un féminicide et ce matin, j’ai eu envie d’en faire un dessin.
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11 commentaires sur “La meuf qui lisait le chat botté”
Il est magnifique ton billet
C’est gentil Élodie
Un très beau billet.
Merci
❤️
Tiens ! Un billet…
Je dois reconnaitre que j’écoute plus souvent Noir Désir que des contes sur cassettes, bête comme je suis.
(mais pas de radio des blogueurs, la page est close).
J’ai eu un long passage à vide.
Et c’est vachement bien le chat botté
Et puis tu sais, la radio du mec qui ne blogue plus assez, ça fait un peu long comme titre de chaine de blogs.
Beau billet.
Merci
Ce jour de début août 2003, mon fils rentrait, lui, de la maternité dans les bras de sa mère en pleine canicule (2003, pas la mère…) dans la belle ville de Hyères les Palmiers (y’en a de moins en moins à cause d’un péril rouge appelé Charançon)
Bref, j’avais pas tro le nez dans les actus audios ou télévisuelles. Je n’ai découvert l”atrocité que quelque jours après..
Et le très juste “Homme pressé”, l’était devenu beaucoup trop…
Salut mon ami mon frère, heureux de te relire à nouveau ici (Allergique aux Méta-Stasi-X…je n’ai rien à cacher mais ils n’ont pas à le savoir 🙂 )
Salut mon ami, mon presque frère, merci de tes commentaires gentils face à ma prose aléatoire, ils me font toujours plaisir.