Le syndrome du Taj Mahal.
J’étais hier (comme des milliers d’autres) sur les quais du port de Brest pour prendre part aux fêtes nautiques, Mon Papa qui passe quelques jours avec nous sous l’inexistant soleil breton, avait des envies de rassemblement de vieux bateaux. Nous partîmes donc tous trois (le Macho Man de poche était aussi du voyage) passer la journée dans la métropole Océane.
J’ai pu lors de ce périple faire quelques observations amusantes. Tout d’abord concernant la photo. Si plusieurs centaines de navires de tous tonnages croisaient dans les eaux du port et de la rade (c’est du moins ce qu’il m’a semblé apercevoir à travers l’épaisse brume qui rendait veine toute tentative de voir à plus de cent mètres, c’est par contre par milliers que se comptaient les badauds équipés d’appareils photos de toutes marques, de toutes technologies et de tout calibres). Oui, je sais, les appareils photos n’ont pas de calibre, ils ont une focale, et c’est plutôt une bonne chose en effet, si les appareils photos, comme les fusils ou les canons, avaient des calibres, il serait à craindre que l’ensemble de la flotte présente à Brest ait fini au fond du port. En effet, chaque bateau, entrant ou sortant du port, se voyait instantanément mitraillé pas des milliers d’objectifs avides de s’approprier goélettes, sampans ou pirogues tels des pirates modernes.
Ce qui est dommage, c’est que la plus grande partie de ses clichés (mettons 99% pour être gentil) auront été faits sans originalité ni talent, et viendront grossir des albums photos familiaux dont le seul intérêt sera de pouvoir dire « J’y étais ! » en exhibant des clichés demi flou surexposés (c’est traitre la brume) et mal cadrés.
Car si l’on y réfléchit bien, c’est là le seul intérêt à prendre une photo que tout le monde prend, pouvoir dire « J’y étais, j’ai participé moi aussi à la fête, un instant mes pas ont cheminé aux côtés de ceux de la postérité, c’était un lieu où un instant historique, et : J’y étais… ».
Depuis la démocratisation de la photo, c’est le rôle social principal de la photo, permettre à ceux qui les prennent (ou à ceux qu’on photographie) de prouver qu’ils y étaient, c’est ce qui fait que depuis quelques décennies, vos amis, oncles, tantes, voisins, collègues de bureau, ou même parfaits inconnus vous montre une photo floue du Taj Mahal sur laquelle ils posent au premier plan avec l’air moyennement godichon de celui qui a lui-même peine à croire qu’il est là.
Et c’est bien dommage, car pour cette photo que tout le monde prend, une autre aurait pu être prise par exemple, j’ai toujours rêvé de voir ce qu’il y a de l’autre côté du Taj Mahal, et personne ne m’a jamais proposé de le voir.
Pour en revenir à hier, il y avait plein de trucs rigolos à voir et à apprendre : une balise repeinte par Bruno Boulch, la fanfare Zébalize (dont les membres travaillaient du chapeau) et quelques dizaines de photographes devant moi à la recherche du cliché parfait…
… peut-être l’ont ils trouvé.
Pour ma part j’ai une bien belle photo du macho man de poche avec un grand sourire jouant à piloter un bateau comme seuls les garçons de 10 ans savent le faire. Mais cette photo-là restera dans mon album personnel, je vous la laisse imaginer, il doit y en avoir une similaire dans le vôtre.
Et si pour votre part, vous n’étiez pas à Brest, vous trouverez aussi un autre regard sur la fête chez Véronique, la régionale de l’étape, qui a vraiment un don pour rendre compte et faire savoir.
La photo des joyeux militaires à l’air godichon devant le Taj Mahal est de William O’Brien Mally sur Flickr
2 commentaires sur “Le syndrome du Taj Mahal.”
Hé, merci! Mon macho man modèle légèrement au-dessus (en âge!) s’est quand à lui fabriqué des souvenirs sur un canot amarré à une bouée pendant la nuit du 14 juillet au milieu des étoiles et du feu d’artifice! Au fait, à moins que tu ne l’ai déjà fait, tu peux aller voir chez Esperluette qui s’est occupée de ton chat 😀
…suis encore allée trop vite: je retiens “syndrone du Taj Mahal” (copyright lolobobo), excellent!