Souvenirs à vendre
Je suis tombé sur un article dont le titre était « Des souvenirs du général de Gaulle vendus aux enchères » on parle bien sûr d’objets, mais va savoir pourquoi mon cerveau tordu s’est imaginé, un instant, une scène à la Harry Potter. De petites bouteilles avec des étiquettes soigneusement manuscrites contenant des bribes de souvenir du général de Gaulle.
Une petite bouteille avec des bribes des mots de l’appel du 18 juin. Et puis, pourquoi pas, des souvenirs de Tahiti, de baleines, chevauchées, de call-girls polyglottes, d’Yvonne, chaude, animale et merveilleusement féline… C’est à ce moment-là que j’ai pris conscience que je connaissais des souvenirs de de Gaulle, ceux apocryphes que lui prête Arthur H dans sa chanson.
Mais imagine un instant qu’on puisse vendre ses souvenirs, comme on fourgue un objet dont on se lasse, comme un meuble sur le bon coin…
Au début, tu te dis que ce serait bien de prendre ces souvenirs qui font mal, de les extraire dans une pensine, de le mettre en bouteille et de les brader.
« À vendre (pas cher) un regard qui se détourne, des engueulades, un départ, et une rupture… en lot (pas de vente a l’unité), paiement en espèces, pas de chèque »
Mais finalement sans souvenirs douloureux, tous les souvenir des moments où on a sorti la tête de l’eau, ou on c’est surpris à sourire à nouveau, perdraient toute leur force et leur valeur. Alors à quoi bon les garder.
« À vendre : sourires fragiles, moments de partage avec les copines et les copains, et quelques instants de paix intérieure. Bon état, très peu servi, à manipuler avec précaution, car très fragile »
Et puis il y a ces souvenirs qui ne s’estompent jamais sans qu’on sache vraiment pourquoi, qu’on ne voudrait oublier pour rien au monde qu’on ne vendrait pour aucun prix : Un regard échangé, ses cheveux qui ondulent sur ses épaules quand elle regarde à la fenêtre par un matin de printemps ensoleillé… Le son de son rire, la sensation de ses doigts saisissant les miens, notre premier baiser, notre dernier baiser.
Mais séparé de tout le reste, que voudraient-ils dire ? quel serait leur sens ?
Aucun finalement.
En fait, il faudrait réussir à se débarrasser de tous les souvenirs d’une histoire, en bloc, sans faire de détail, jeter le bon, et le mauvais, le profond et le futile.
Renoncer à tout le passé, y compris le bonheur, pour se débarrasser de ce qui fait mal.
Sauf que c’est cette somme du bon et du mauvais qui construit nos histoires et nous fait grandir.
Finalement, c’est une mauvaise idée de vendre ses souvenirs.
Par contre, si quelqu’un veut de mes remords pour les moments oubliés et de mes regrets pour tous les souvenirs qu’on aura jamais vécu, je veux bien lui faire un prix, ou même les lui échanger contre ma reconnaissance éternelle.
Et si quelqu’un avait envie de revenir recoller les bouts de souvenirs en morceaux, je veux bien partager un atelier DIY.
Après, je dis ça, je ne dis rien.